À Versailles avec Marie-Antoinette, édité chez Parigramme

LA COIFFURE

On dit que j’ai le front haut. Il ne manque pas de charme, mais il a pourtant fallu, avant mon arrivée en France, le transformer en petit front mignon. Un coiffeur est spécialement venu de Paris à la cour de Vienne pour faire de moi une vraie princesse française. Il y a réussi merveilleusement, mais maintenant que je suis reine, c’est moi qui fais la mode ! J’ai découvert un véritable artiste du ciseau, des petits nœuds, des perruques et des postiches. Léonard sculpte des pyramides de cheveux et leur donne des noms drôles et poétiques : La Belle Poule, Le Hérisson, Noble Simplicité, Capricieuse. Ces coiffures sont si hautes que les femmes de la cour doivent se tenir à genoux dans leur carrosse pour ne pas abîmer leur chignon. Léonard appelle cela un « pouf » : sur nos cheveux relevés, il dispose de la gaze, des plumes, des fleurs, des fruits et parfois même un bateau ou un arbre. Puis il poudre son œuvre en protégeant notre visage avec un grand cône de papier. En marchant, il nous faut tenir la tête bien droite et ne penser à rien d’autre qu’à contrôler la montagne de cheveux qui tangue dans tous les sens. Faire la révérence devient un vrai exercice d’équilibre ! Je devrais, normalement, garder Léonard pour moi seule parce qu’une reine ne doit pas partager son coiffeur avec d’autres dames. Mais il a trop de succès pour que je l’emprisonne dans mon palais ! Il va donc de l’une à l’autre, laissant libre cours à sa folle imagination

LE PETIT TRIANON

À quelques volées de moineaux du château, mon Petit Trianon est un grand cube percé de fenêtres, couronné d’une balustrade et baignant dans la verdure. Louis me l’a offert en cadeau quand nous sommes devenus roi et reine. J’en ai fait mon refuge, à l’écart de la cour et de ses contraintes. Au diable les dorures et les flatteries ! Je veux une vie simple qui me ressemble, sans tous les regards des courtisans tournés vers moi, me scrutant et me jugeant. Retrouver l’intimité et le naturel de mon enfance à Schönbrunn. Profiter de la compagnie de mes proches : n’entrent ici que la famille royale et mes amis. Bien sûr, tous ceux qui se trouvent exclus de cette société sont très jaloux et prompts à toutes sortes de méchancetés. Mais je les oublie vite ici : je me promène dans mon jardin anglo-chinois, planté d’arbres exotiques et qui ne ressemble en rien aux jardins à la française si bien ordonnés ; nous partageons, avec mes amis, des jeux variés et les derniers potins de la cour. Le roi nous rejoint souvent, mais rentre toujours dormir au château. Au printemps et en été, mes séjours se prolongent, tant il est difficile de quitter ce havre de douceur aux tons légers vert pâle et blanc. Mon parfumeur a même inventé pour Trianon un parfum aux vertus apaisantes et il flotte dans l’air des senteurs d’oranger, de cédrat, de lavande et de bergamote.

A Versaille avec Marie-AntoinetteExtrait de À Versailles avec Marie-Antoinette
édité chez Parigramme
Illustrateur : Lise Herzog